«C’est un peu un sport d’équipe» Matthias von Ah, CEO de Gasser Felstechnik, et Olivier Imboden, président de la direction d’Ulrich Imboden AG, discutent de la construction en montagne. Entretien. mercredi, 15.10.2025 | 06:00 ... Société Suisse des Entrepreneurs Actualités «C’est un peu un sport d’équipe» Matthias von Ah, CEO de Gasser Felstechnik, et Olivier Imboden, président de la direction d’Ulrich Imboden AG, discutent de la construction en montagne. Entretien. Quels sont les principaux défis de la construction en montagne? Matthias von Ah: Les principaux défis sont liés aux conditions naturelles. La météo, avec le vent, la pluie ou la neige, peut influencer le travail. En altitude, les performances humaines et celles des machines sont réduites, ce qui joue aussi un rôle. La logistique est un autre élément – les machines et le matériel doivent souvent être acheminés sur des terrains très difficiles ou par voie aérienne jusqu’au chantier.Olivier Imboden: La topographie est un défi majeur pour la construction en montagne, mais aussi et surtout les personnes qui doivent être d’accord de travailler dans ces conditions. Les longs trajets, les horaires de travail irréguliers loin du domicile et les conditions météorologiques souvent difficiles mettent les collaborateurs/trices à rude épreuve. À cela s’ajoute la logistique: les routes se terminent souvent par des chemins étroits et provisoires. Les matériaux de construction, les machines ou même des éléments de construction entiers n’atteignent le chantier que grâce à des véhicules tout-terrain, des téléphériques ou des hélicoptères. Un autre point central est la sécurité. Nous devons pouvoir garantir qu’en cas d’urgence, qu’il s’agisse d’un accident ou d’un brusque changement de temps, le chantier reste accessible à tout moment. Cela nécessite une planification minutieuse et des concepts de sécurité robustes. La question des dangers naturels est primordiale en montagne. Y a-t-il un projet de construction, visant à prévenir ou à éliminer de tels dangers, réalisé par votre entreprise et dont vous êtes particulièrement fier? Von Ah: Oui, nous sommes particulièrement fiers de notre capacité à réagir lorsque des mesures immédiates sont requises. Lorsqu’un événement survient, chaque heure compte. Nous avons l’habitude de développer et de mettre en œuvre des solutions réalisables dans les plus brefs délais, en étroite collaboration avec les planificateurs. L’explosion à l’Axenstrasse en 2024 ou les mesures immédiates prises actuellement au Brünig (virage d’Ochsenwald) en sont des exemples. De telles interventions soulignent à quel point l’expérience, des processus bien rodés et des décisions rapides sont essentiels. Imboden: Les dangers naturels sont indissociables de tout projet de construction en montagne. Qu’il s’agisse de chutes de pierres, d’avalanches ou de laves torrentielles, ces risques sont omniprésents. Nous effectuons régulièrement des travaux de sécurisation, du montage de filets de protection contre les chutes de pierres à l’installation de cordes de sécurité, en passant par l’explosion ciblée de blocs de roche. Nous sommes particulièrement fiers des projets qui nous ont permis non seulement de créer des infrastructures, mais aussi d’améliorer la sécurité de vallées entières. De tels travaux sont souvent réalisés en étroite collaboration avec des entreprises spécialisées qui ont leur propre savoir-faire. Quelles innovations techniques ont particulièrement facilité ou modifié la construction en montagne? Imboden: L’hélicoptère a sans aucun doute changé la donne. Autrefois, le transport des matériaux jusqu’aux chantiers était long et laborieux. Aujourd’hui, l’hélicoptère permet d’acheminer en quelques minutes des charges de plusieurs tonnes exactement là où elles sont nécessaires. Des technologies de mesure modernes, des instruments de planification numériques et des machines plus performantes nous facilitent également énormément le travail sur les terrains difficiles. Von Ah: Deux technologies en particulier ont changé beaucoup de choses: les hélicoptères, aujourd’hui disponibles rapidement et de manière flexible, et la pelle-araignée, capable d’intervenir même sur des terrains extrêmement pentus. De plus, les moyens de communication actuels ont simplifié la gestion des chantiers. En raison des conditions météorologiques, la période pendant laquelle il est possible de construire est plus courte en montagne qu’en plaine. Qu’est-ce que cela signifie pour votre entreprise? Imboden: En montagne, la saison de construction est courte – en général, six à sept mois seulement. Cela nous oblige à planifier les choses de manière extrêmement précise. Une préparation du travail correcte est décisive pour coordonner précisément le matériel, le personnel et les machines. Dans le même temps, nous devons veiller à ce que nos spécialistes puissent également être engagés de manière judicieuse en dehors de ces mois, que ce soit dans la vallée ou pour des projets avec une saison de construction plus longue. Von Ah: Comme nous travaillons à toutes les altitudes, la période pour les travaux de construction en montagne a une influence marginale sur l’ensemble de l’entreprise. De plus, les chantiers en montagne sont généralement planifiés à l’avance, ce qui nous facilite la répartition. Toutefois, il faut que l’équipe soit prête lorsque la météo est favorable. L’efficacité et la flexibilité sont des facteurs décisifs. Construire en montagne exige des performances de pointe de toutes les parties concernées. En ce sens, vous êtes une sorte de coach ou d’entraîneur qui doit constamment motiver son équipe. Comment y parvenez-vous? Von Ah: En partageant notre passion. Nos contremaîtres et chef/fes d’équipe sont encore plus importants que la direction, car ils veillent chaque jour au bon moral sur le chantier, même dans les conditions les plus délicates. Ce sont eux les coachs à proprement parler Imboden: Sur un chantier en montagne, c’est la motivation qui détermine le succès ou l’échec. Le contremaître joue ici un rôle central. Il est sur place tous les jours, dirige l’équipe et influence l’ambiance sur le chantier. S’il se met au travail avec fierté et enthousiasme, cela se répercute automatiquement sur l’équipe. Pour moi, en tant qu’entrepreneur, il est important de créer cet environnement et de toujours montrer que le travail accompli en montagne est quelque chose de particulier – c’est un peu un sport d’équipe, avec des exigences élevées et un fort sentiment de fierté. L’acceptation de l’initiative sur les résidences secondaires a-t-elle amélioré ou aggravé la pénurie de logements pour la population locale? Imboden: L’acceptation de l’initiative sur les résidences secondaires a malheureusement aggravé la situation pour la population locale. Dans les hauts lieux touristiques, il est presque impossible pour les ouvriers de la construction de trouver des logements abordables. Il en résulte un départ ou une absence de main-d’œuvre qualifiée, une évolution qui exerce une pression supplémentaire sur le marché du travail dans les régions de montagne. Quelles conditions-cadres politiques faudrait-il pour protéger le paysage et la nature tout en offrant des perspectives d’avenir aux régions de montagne? Imboden: Nous avons besoin de conditions-cadres fiables qui permettent à la fois de protéger la nature et le paysage et d’assurer le développement économique. Il faut des zones clairement délimitées dans lesquelles des installations touristiques peuvent être créées, sans que des oppositions ne bloquent des projets pendant des années. Ce n’est qu’ainsi que les régions de montagne pourront renouveler leurs infrastructures et offrir des perspectives aux générations futures. Von Ah: Il est essentiel que nous puissions offrir des emplois attrayants, non seulement dans la construction, mais aussi dans d’autres secteurs. Ce n’est qu’ainsi que les structures peuvent rester en vie et que le départ du personnel peut être évité. Le fait de pouvoir se loger à des prix abordables est tout aussi important. Le paysage et la nature sont déjà bien protégés par la loi sur l’aménagement du territoire, à juste titre. En tant que représentants de régions de montagne, vous sentez-vous suffisamment pris en compte par la politique ou plutôt un peu abandonnés? Von Ah: Nous nous engageons activement au-delà de notre région au sein d’organisations et d’associations. Cela nous permet de faire part de nos doléances et d’être entendus. Imboden: En tant que représentant d’une région de montagne, je ressens souvent que nos préoccupations n’ont pas assez de poids en politique. Lorsqu’il s’agit de réglementations nationales, les défis propres aux régions de montagne sont trop rarement pris en compte. Nous avons besoin d’une plus grande compréhension et d’une plus grande liberté de décision pour mettre en œuvre des solutions qui correspondent à notre réalité. Nous en avons marre que les régions de montagne soient toujours considérées par les habitants de la plaine comme une sorte de réserve, un monde sacré. Ici, tout doit rester en l’état. Charmant. Idyllique. Mais nous vivons ici. Nous devons avoir des possibilités d’épanouissement économique. Quel rôle jouent les entreprises de construction pour les régions de montagne? En tant qu’employeur et fournisseur d’infrastructures? Pour les régions de montagne, les entreprises de construction sont bien plus que des mandataires. Elles sont à la fois employeur, formateur et secouriste. Nos machines et nos collaborateurs/trices sont prêts non seulement pour les projets de construction, mais aussi en cas de catastrophe, qu’il s’agisse d’intempéries, de laves torrentielles ou d’avalanches. De tels moments révèlent la vraie valeur d’une entreprise de construction ancrée localement. Notre entreprise sait où placer quelles machines en cas de mauvais temps imminent afin de pouvoir intervenir très rapidement. Nous considérons cela aussi comme un service à notre espace de vie. Von Ah: Nous créons des emplois qualifiés et offrons aux jeunes des possibilités de formation dans un environnement hautement spécialisé. Nous assurons ainsi la création de valeur à l’échelon régional, maintenons une main-d’œuvre qualifiée dans les régions et offrons aux familles un employeur fiable. Nos infrastructures et ouvrages de protection garantissent la mobilité, l’approvisionnement et la qualité de vie dans les régions de montagne. Nous contribuons ainsi à la vie quotidienne, au tourisme et au développement économique sur une base sûre à long terme. La protection du climat, le tourisme et le secteur de la construction définissent-ils un champ de tension qui vous préoccupe particulièrement? Von Ah: Oui, le trafic en été lié à l’augmentation du tourisme individuel est particulièrement problématique. Nous avons besoin du tourisme en tant que facteur économique, mais le développement ne doit pas être le même dans toutes les régions. Il faut aussi qu’il y ait des zones calmes dans les Alpes. Imboden: Bien entendu, il y a des tensions entre la protection du climat, le tourisme et le secteur de la construction. Et nous sommes au beau milieu. D’une part, nous avons besoin d’infrastructures pour maintenir l’offre touristique et, d’autre part, nous devons polluer le moins possible. Pour moi, il est clair que la construction durable en montagne implique d’utiliser les matériaux de manière respectueuse des ressources, de préserver les structures existantes et de rechercher des solutions innovantes qui tiennent compte des impératifs à la fois de la nature et de l’économie. A propos de l'auteur Susanna Vanek Rédactrice susanna.vanek@baumeister.ch Partager l'article
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