Croissance sans migraine

À Winterthour, le plan directeur communal révisé a récemment été présenté. Il trace les grandes lignes du développement à venir de la ville. Entretien avec Martin Jakl, responsable adjoint Espace urbain et Architecture au sein de l’office de l’urbanisme de Winterthour.

 

 

Les prévisions démographiques indiquent que la population de Winterthour passera de 120 000 à 135 000 d’ici à 2040. Comme bien d’autres communes, la ville doit canaliser sa croissance avec une densification vers l’intérieur. Comment concilier densité et qualité de vie?

Notre planification est actuellement très interdisciplinaire. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut équilibrer les enjeux de l’habitat, du trafic et des espaces libres dans leur globalité. Un élément central de notre stratégie de développement est ce que l’on appelle «l’épine dorsale urbaine», un concept élaboré le long des principaux axes routiers de la ville. Et c’est autour de cette épine dorsale que doit se concentrer la croissance dans les années à venir. Les quartiers périphériques vont aussi croître et se développer, mais sans que Winterthour ne perde ses caractéristiques de ville aux nombreux espaces verts et à la qualité de vie élevée.

 

Les villes trop denses courent le risque d’une surchauffe à l’heure du dérèglement climatique. Est-ce un dilemme?

Pas forcément. Le plan-cadre «Climat urbain» est là aussi un projet interdisciplinaire. Par-delà de strictes normes de construction, lesquelles suivent la réglementation sur les zones et les constructions, un levier important est celui de l’aménagement de l’espace public et de l’interconnexion des espaces libres. Ces deux facteurs sont en effet les garants d’une agglomération où l’air circule et où les îlots de chaleur sont peu nombreux. Winterthour ne peut pas lutter seule contre le réchauffement climatique. On ne soigne pas un cancer avec de l’aspirine. Mais avec une politique d’urbanisme ciblée, nous pouvons assurément éviter la migraine.

 

Un point central du plan directeur de Winterthour consiste à faire passer de 42 à 20% la proportion des déplacements individuels motorisés. Quelle est votre approche?

À Winterthour, nous avons une vision d’ensemble, où toutes les formes de mobilité ont la priorité qu’elles méritent dans l’espace urbain. Cela garantit efficacité et durabilité. Celui qui, pour des motifs professionnels, est amené à circuler en voiture, camionnette ou camion – c’est notamment le cas des livraisons commerciales – doit disposer de suffisamment de place, sans quoi nous perdons en fluidité. Et cela est possible si celles et ceux qui ne sont pas contraints de se déplacer en automobile utilisent des alternatives (transports en commun, vélo ou marche). Nous devons d’ailleurs mettre l’accent sur ces alternatives. La dernière Comparaison des villes en matière de mobilité, publiée récemment, indique par exemple que nous avons du retard en matière d’utilisation des transports publics.

 

En matière de mobilité, les comportements observés divergent souvent des bonnes intentions initiales. D’un côté, la population de Winterthour s’est clairement prononcée en 2021 pour un objectif de zéro émission nette d’ici à 2040. De l’autre, son degré de motorisation demeure plus élevé qu’à Zurich, Berne, Bâle ou Lucerne. Comment l’urbaniste gère-t-il ce paradoxe?

L’urbanisme oscille toujours entre objectifs collectifs et aspirations individuelles. Or pour que des objectifs communautaires soient atteints, il faut qu’un maximum de personnes y contribuent. Et en matière de mobilité, ce n’est pas par l’interdit que l’on y parvient. L’interdit ne fait qu’accentuer l’opposition. Nous nous attachons donc à susciter de l’intérêt. À Winterthour, il doit être suffisamment attractif de se déplacer en transports publics, à pied ou à vélo pour que l’on ne songe plus à prendre sa voiture.

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Schweizerischer Baumeisterverband

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