«Il nous faut plus d’électricité suisse sûre et propre» La Suisse vise la neutralité climatique d’ici 2050, et sa population augmente. Michael Frank, directeur de l’AES, explique comment atteindre cet objectif et pourquoi un «oui» à la loi sur l’électricité bénéficie au secteur de la construction. mardi, 21.5.2024 | 06:00 ... Société Suisse des Entrepreneurs Politique & médias l'Agenda 125.0 Infrastructure «Il nous faut plus d’électricité suisse sûre et propre» La Suisse vise la neutralité climatique d’ici 2050, et sa population augmente. Michael Frank, directeur de l’AES, explique comment atteindre cet objectif et pourquoi un «oui» à la loi sur l’électricité bénéficie au secteur de la construction.Michael Frank a étudié le droit à l’Université de Berne et est titulaire d’un brevet d’avocat. Depuis 2011, il est directeur de l’Association des entreprises électriques suisses (AES)La Suisse se développe et les besoins en énergie augmentent. Les objectifs en matière de CO2 doivent quant à eux être respectés. Est-ce un dilemme? L’un n’exclut pas forcément l’autre. Nous ne sommes pas confrontés à un dilemme, mais à un défi. C’est un fait: nous sommes confrontés à un problème climatique et devons trouver des solutions pour l’approvisionnement énergétique. Cela n’a rien de nouveau quand je pense à la situation de la Suisse il y a plus d’un siècle: n’ayant pas de charbon pendant la Première Guerre mondiale, nous avons été le premier pays d’Europe à électrifier nos chemins de fer. Aujourd’hui, nous devons à nouveau nous transcender. Nous ne pouvons pas tout importer et nous devons passer à très grand échelle à l’électrique. Nous jouons toutefois sur du velours, car notre production d’électricité est déjà quasiment exempte de CO2. Nous pouvons développer encore l’énergie hydraulique et nous devons mieux exploiter le potentiel du solaire et de l’éolien. Si nous combinons le développement de ces trois technologies avec une efficacité accrue et une utilisation intelligente dans les infrastructures et les bâtiments, nous pourrons devenir climatiquement neutres et relever plus facilement les défis liés à l’approvisionnement en électricité.Pourquoi la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays est-elle si importante? Accroître l’autosuffisance ne signifie pas viser l’autarcie, qui signifierait une indépendance totale de l’étranger, c’est-à-dire devenir une île qui s’approvisionne elle-même en énergie. Ce ne sera pas le cas, et ce ne serait pas non plus judicieux du point de vue économique. Nous avons besoin d’échanger avec l’Europe. Nous nous concentrons sur le développement de la production hivernale d’électricité en Suisse, car l’électricité risque de se raréfier durant ces mois et notre dépendance augmenterait alors trop fortement: augmenter la production indigène réduit donc les risques d’approvisionnement. Si nous parvenons en même temps à remplacer l’énergie fossile par l’électricité, nous redimensionnerons encore plus notre dépendance vis-à-vis de l’étranger. L’ordre de grandeur critique est l’importation de moins de cinq térawattheures en hiver. En été, l’approvisionnement ne pose aucun problème, car l’électricité est abondante, principalement hydraulique et solaire. De plus, le chauffage domestique est alors coupé, qui est l’une des principales sources de consommation d’énergie en hiver.Les besoins supplémentaires en électricité ne peuvent-ils pas être compensés par des économies d’électricité?Il ne suffit pas d’économiser. Même si la consommation d’énergie par habitant baisse, le volume total augmente en raison de l’accroissement de la population. Je pense ici à une Suisse à 10 millions d’habitants. Dans le même temps, nous voulons passer à l’électricité pour les transports et le chauffage. Les besoins passeront donc de 60 à 90 térawattheures d’ici 2050. Pour moi, économiser signifie donc gérer l’énergie de manière plus raisonnable, plus minutieuse et plus consciente. Par le passé, nous avons été trop négligents avec cette précieuse ressource. L’énergie était là, c’était une évidence.Si économiser ne suffit pas, que faut-il faire en plus? Notre système gagne en efficacité. Si nous remplaçons les énergies fossiles, nous réduirons notre consommation énergétique totale, qui est d’environ 250 térawattheures, de plus de 40 % d’ici 2050. L’électricité est nettement plus efficace que les énergies fossiles. Un exemple: une voiture moyenne consommant sept litres d’essence aux 100 km consomme l’équivalent de 60 kWh, alors qu’une voiture électrique comparable ne consomme que 20 kWh pour le même kilométrage. Nous devons donc non seulement améliorer l’efficacité de l’infrastructure électrique, mais aussi rendre les infrastructures et les maisons plus intelligentes.(c) AESQu’entendez-vous par là?Par exemple, des commandes dans les réseaux électriques permettant d’utiliser l’énergie de manière ciblée en fonction de la consommation. Certains centres commerciaux appliquent déjà ce principe: les escaliers roulants s’arrêtent si personne ne les emprunte. Pour les infrastructures ou les bâtiments intelligents, je pense à des solutions qui adaptent par exemple l’éclairage et la ventilation en conséquence. Nous n’en sommes qu’au tout début d’une économie d’énergie efficace. Par ailleurs, la nouvelle loi sur l’électricité fixe pour la première fois des objectifs d’efficacité. Nous avons besoin, d’une part, d’une production propre et d’autre part, d’une consommation plus intelligente, car plus efficace.Les consommateurs bénéficieront-ils aussi de l’augmentation de la production nationale?Investir dans le système énergétique apporte de nombreux avantages à la société et aux consommateurs. Premièrement, la neutralité climatique nous concerne tous. Il en va aussi de la protection de l’environnement et de la biodiversité, et nous sommes donc tous gagnants. Deuxièmement, investir dans le système électrique, qui est probablement l’infrastructure la plus importante de Suisse, le rendra plus stable et plus fiable. Un approvisionnement en électricité fiable et abordable est la base de notre niveau de vie élevé, de notre prospérité. Un réseau électrique instable serait une catastrophe pour l’économie et les emplois dans notre pays. Troisièmement, l’augmentation de la production nationale d’électricité crée une plus grande indépendance vis-à-vis de l’étranger, que ce soit pour l’électricité ou les énergies fossiles telles que le pétrole et le gaz.La Suisse est riche. Alors pourquoi ne pas simplement acheter l’électricité à l’étranger…?Nous devons assumer nos responsabilités pour certaines tâches, que nous ne pouvons pas déléguer à l’étranger. Cela vaut pour la sécurité d’approvisionnement et, par exemple, pour la capacité d’autodéfense de l’armée. En ce qui concerne les importations d’électricité, nous sommes confrontés à un obstacle de taille: nous n’avons pas d’accord sur l’électricité avec l’UE et donc pas d’accès illimité au marché européen de l’électricité, ce qui est à notre désavantage. En cas de crise énergétique européenne, même avec un accord, il n’y aurait aucune garantie que l’électricité soit effectivement fournie. Je suis donc fermement convaincu que la Suisse doit augmenter sa production d’électricité afin d’éviter une dépendance croissante envers l’étranger. Nous réduisons ainsi les coûts et les risques. La loi sur l’électricité pose les bases nécessaires.La construction de nouvelles centrales nucléaires en Suisse est-elle une option? Depuis la crise énergétique de 2022, nous savons que nous avons un problème inhérent d’approvisionnement à court et moyen terme. La Suisse surmonte les goulets d’étranglement potentiels en prenant des mesures d’urgence très onéreuses, comme des centrales à gaz et à mazout et des réserves hydroélectriques. C’est hélas nécessaire pour garantir l’approvisionnement. Mais ces sommes auraient pu être investies dans des projets d’extension qui apporteraient une sécurité d’approvisionnement à long terme. Nous devons maintenant nous attaquer à ce problème inhérent et le résoudre durablement avec une production indigène. Nous savons que nous devons combler cette lacune d’ici 2035, au plus tard 2040. Ces prochaines années, nous développerons l’énergie hydraulique, le photovoltaïque sur les bâtiments existants, sur les infrastructures et dans les Alpes, ainsi que l’énergie éolienne. La loi sur l’électricité favorise ces solutions réalistes.De nouvelles centrales nucléaires arriveraient-elles trop tard pour relever les défis actuels? Il est essentiel que les centrales nucléaires actuelles restent en service tant qu’elles sont sûres. De manière générale, il serait malvenu de se fermer aux technologies futures et à leurs développements. Pour ce qui est des nouvelles centrales nucléaires, le débat politique et sociétal doit d’abord être mené, avant de clarifier des questions de procédure et de planification. Ce processus pourrait prendre des dizaines d’années. Il faudrait en outre disposer de la bonne technologie. Nous parlons donc d’un horizon temporel nettement plus long que les défis actuels que nous devons relever dans cinq à quinze ans.(c) AESLors d’une table ronde consacrée à l’énergie hydraulique, la Confédération, les cantons, le secteur de l’électricité et les organisations de défense de l’environnement se sont mis d’accord sur 15 projets concrets. Quels enseignements peuvent en être tirés pour relever d’autres défis majeurs, comme la construction d’infrastructures ou de logements?Il y a de nombreuses similitudes entre le secteur de la construction et celui de l’électricité: nos projets s’inscrivent dans la durée, nécessitent des capitaux importants et soulèvent régulièrement des oppositions. Nous savons que les grands projets d’infrastructures, qu’il s’agisse d’un tunnel, d’une centrale hydroélectrique ou d’un lotissement, ne peuvent être réalisés qu’en collaboration avec la population et les politiques, jamais contre eux. Lors de tables rondes, on se confronte aux positions de l’interlocuteur, on discute et on essaie de faire un pas en avant. Il s’agit d’un échange réciproque. Notre secteur a lui aussi fait des concessions lors de la table ronde, ce qui ne pose pas de problème. Les grandes organisations environnementales ont également fait un geste en notre direction. Cette procédure serait envisageable pour d’autres projets d’infrastructure. Si personne n’est prêt à faire des concessions, c’est tout notre pays, notre société et notre économie qui stagnent.Comment gérez-vous les oppositions?La table ronde sur l’énergie hydraulique a permis de dégager un consensus. Les projets de développement qui ont le moins d’impact sur l’environnement et le paysage tout en générant un rendement (hivernal) élevé en électricité ont été sélectionnés ensemble. La nouvelle loi sur l’électricité englobe ces 15 projets et un autre présenté par le Parlement. Ces 16 projets présentent un intérêt national. Concrètement, cela signifie que s’il y a pesée des intérêts, les projets sont prioritaires et bénéficient ainsi de procédures simplifiées à certains égards. Les autres projets hydroélectriques n’ont pas cette priorité, car ils ne faisaient pas partie du consensus dégagé à l’issue de la table ronde. Mais un intérêt national ne signifie pas pour autant la suppression des possibilités d’opposition. Faire opposition reste donc bien sûr possible. Pour d’autres projets, comme les installations solaires dans les Alpes, les droits démocratiques sont préservés. Dans les régions de montagne, les assemblées communales devront se prononcer.(c) AESLe 9 juin, nous voterons sur la loi sur l’électricité. Pourquoi un «oui» est-il si important pour la Suisse? Il nous faut plus d’électricité suisse sûre et propre. Sûre désigne la sécurité d’approvisionnement, propre, la neutralité climatique et suisse, la production nationale. Un «oui» à la loi sur l’électricité renforce la production nationale et permet de réaliser des solutions ces prochaines années afin d’atteindre l’objectif zéro émission nette de notre pays et de garantir la sécurité de l’approvisionnement. Dire «oui» signifie donc prendre ses responsabilités. Ne rien faire coûte plus cher, car les problèmes ajournés nous coûteront peut-être deux fois plus cher. Un «oui» à la loi sur l’électricité, c’est aussi un «oui» à la protection de l’environnement et des paysages.Que se passerait-il en cas d’échec?C’est simple: nous pourrons alors produire moins d’électricité propre en Suisse et serons encore plus dépendants de l’étranger – et des centrales d’urgence fossiles – pendant les mois d’hiver, ce qui est risqué. Reste à savoir si l’électricité importée serait climatiquement neutre.Pourquoi les entrepreneurs ont-ils intérêt à ce que la loi sur l’électricité soit acceptée?Pour le développement de l’électricité en Suisse, nous avons besoin d’infrastructures supplémentaires pour les installations de production et les réseaux électriques. Le secteur de l’électricité va réaliser un volume d’investissement significatif sur une longue période en Suisse. L’accent est certainement mis sur les petites centrales décentralisées, en particulier les installations photovoltaïques sur les infrastructures actuelles. Mais nous avons aussi besoin de nouvelles grandes installations: Les lacs de retenue, les installations photovoltaïques alpines et les éoliennes ont besoin de lignes électriques, de fondations, de raccordements et de raccordements au réseau de transport, de bâtiments d’entretien, etc. Les PME dans les régions en tireront profit. Ainsi, les exploitants d’installations photovoltaïques alpines dans le canton de Berne ne collaborent sciemment qu’avec des entreprises de construction et d’électricité locales. C’est une opportunité pour le secteur suisse de la construction. Les entrepreneuses-construction et entrepreneurs-construction jouent un rôle important: sans eux, nous ne pourrons pas mettre en œuvre la loi sur l’électricité. Michael Frank a étudié le droit à l’Université de Berne et est titulaire d’un brevet d’avocat. Depuis 2011, il est directeur de l’Association des entreprises électriques suisses (AES), l’association faîtière du secteur de l’électricité. L’AES représente les intérêts de ses membres sur le plan politique et public. Michael Frank peut se targuer d’une vaste expérience professionnelle dans le domaine de l’électricité et des télécommunications. Avant de rejoindre l’AES, il a occupé des fonctions dirigeantes chez Axpo SA et Swisscom SA. «Oui» au renforcement de la sécurité de l’approvisionnement en électricité Nous avons tous besoin d’électricité. Un approvisionnement en énergie fiable et abordable est à la base de notre qualité de vie élevée et de notre prospérité. La loi pour l’électricité améliore la sécurité d’approvisionnement, nous rend moins dépendants vis-à-vis de l’étranger et permet un développement rapide des énergies renouvelables dans le respect du paysage et de l’environnement. La SSE recommande de voter «oui» le 9 juin 2024. Plus d’informations sur le «oui» à la loi sur l’électricité. A propos de l'auteur Thomas Staffelbach Rédacteur en chef [email protected] Partager l'article
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