«La construction va perdurer, tout simplement parce qu’elle répond à un besoin humain fondamental» jeudi, 15.5.2025 | 06:00 ... Société Suisse des Entrepreneurs Actualités «La construction va perdurer, tout simplement parce qu’elle répond à un besoin humain fondamental» Gian-Luca Lardi, originaire du Val Poschiavo, est président de la Société suisse des entrepreneurs (SSE). Dans un entretien avec Engadiner Post/Posta Ladina, cet homme de 55 ans aborde la tradition de la construction et ses péchés, la convention nationale négociée avec les syndicats, la question des oppositions et la construction en zone protégée. Il explique aussi pourquoi la profession a besoin de plus de femmes.Engadiner Post/Posta Ladina: Gian-Luca Lardi, vous avez grandi à Poschiavo, êtes entré au gymnase de Disentis à l’âge de 16 ans, avez fait carrière en Suisse et à l’étranger et vivez au Tessin depuis une vingtaine d’années. Peut-on encore vous rencontrer souvent sur la piazza de Poschiavo?En fait, beaucoup trop rarement. J’aimerais bien sûr y aller plus souvent. C’est ma terre natale, c’est un lieu où je peux me ressourcer et j’y vais généralement plusieurs fois par an. En été surtout, j’y passe chaque année plusieurs semaines, soit à Poschiavo, soit dans le Val di Campo. Le lien avec la patrie est toujours très fort.Le sud des Grisons a une longue tradition de construction et est aussi un haut lieu de l’architecture, comme le démontrent régulièrement des manifestations telles que l’Open Doors Engadin. Comment voyez-vous la tradition architecturale de votre ancienne patrie?Je pense qu’il existe une forte sensibilité à l’architecture et à l’aménagement du territoire dans l’ensemble des Grisons, à l’exception de quelques zones urbaines. On le constate surtout dans les vallées et dans le sud des Grisons. Peut-être même plus qu’ailleurs en Suisse dans des régions similaires. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Au cours des dernières décennies, en revanche, je constate que la plupart des constructions respectent le paysage et les traditions architecturales. Le choix des matériaux, ainsi que la manière de les combiner, jouent ici un rôle important. Ainsi, le bois, mais aussi le béton, sont souvent utilisés de façon à s’intégrer dans le paysage. Je suis convaincu que les gens qui vivent et travaillent ici ont également conscience du fait que la qualité esthétique des constructions renforce à long terme l’attrait des Grisons en tant que destination touristique.Qu’en est-il de la capacité d’innovation de la région?Elle est très bonne. Il suffit de penser à l’exemple de la Tor Alva, la Tour blanche construite à Mulegns par Origen. Il s’agit d’une tour très innovante, qui sera désormais le plus haut bâtiment en béton imprimé en 3D au monde. On constate qu’il existe un réel désir d’essayer de nouvelles choses et le courage d’innover. Le fait que le public accepte un tel projet n’est pas forcément évident, mais cela montre une certaine ouverture à la nouveauté. Tradition et innovation vont de pair.…et de la gestion du passé?Il ne faut pas perdre de vue ce que nous avons appris et devons continuer à apprendre, afin de ne pas répéter les erreurs commises. Pensons par exemple à Saint-Moritz et à de nombreux bâtiments des années ’50, ’60 et ’70. Il est donc de notre devoir pour les prochaines décennies de corriger progressivement ces erreurs de construction de l’après-guerre.Pouvez-vous nous expliquer quand ou pourquoi la population a changé de point de vue?Je pense que non seulement dans les Grisons et dans le sud des Grisons, mais aussi dans l’ensemble de la Suisse, un mouvement inverse a émergé au plus tard dans les années ’90, vers une plus grande attention portée à l’esthétique des constructions et à un aménagement du territoire de qualité. Le mouvement du pendule s’est inversé en faveur de l’équilibre et de la conscience du patrimoine culturel et architectural. Dans l’ensemble, je pense que nous faisons certainement beaucoup mieux les choses maintenant que durant les premières décennies de l’après-guerre. Cela ne vaut d’ailleurs pas seulement pour la construction de bâtiments, mais aussi pour la construction d’infrastructures. Là aussi, les pouvoirs publics ont délibérément et soigneusement entrepris de développer les infrastructures.À quoi pensez-vous concrètement?Par exemple à la construction de ponts, et notamment aux 525 mètres du pont de Sunniberg, construit par Christian Menn dans le cadre du contournement de Klosters. Ce pont aurait pu être construit beaucoup moins cher. Mais dans ce cas, comme pour de nombreux autres ouvrages, le canton a montré qu’il ne valorisait pas seulement l’efficacité financière, mais qu’il accordait également une grande importance à la valeur culturelle de l’ingénierie. Il y a beaucoup de choses que le canton des Grisons a très bien exécutées au cours des dernières décennies.En raison des conditions météorologiques, les régions de montagne comme l’Engadine disposent d’une période de construction beaucoup plus courte que le Tessin ou le Plateau suisse, par exemple. En tant que président de la Société Suisse des Entrepreneurs, que répondez-vous aux entrepreneurs locaux lorsqu’ils vous interrogent à ce sujet?Ce sont des circonstances locales qui posent de grands défis au secteur de la construction, surtout dans les zones alpines et de haute montagne. Les saisons de construction sont courtes, les températures et les conditions météorologiques ne permettent de construire que pendant une période limitée. Cela signifie bien sûr que les entreprises de construction actives dans ces régions doivent faire preuve de beaucoup plus de flexibilité que celles qui travaillent en plaine ou dans le sud du Tessin. Les conditions dans la Léventine ne sont pas très différentes de celles des autres régions des Grisons.Que pouvez-vous faire pour les aider?Par exemple, en laissant suffisamment de marge de manœuvre dans notre convention nationale pour que les entreprises puissent construire quand les conditions le permettent. Ce n’est pas seulement un souhait ou un besoin des employeurs, mais aussi des travailleurs. Un ouvrier du bâtiment qui travaille dans le secteur de la construction en Haute-Engadine en été peut avoir un deuxième emploi, de nature différente, en hiver. Cela bénéficie à tout le monde, c’est dans l’intérêt général de l’économie de la région et nos lignes directrices doivent le permettre. C’est pour cela que nous nous engageons en tant qu’association, même si nous ne rencontrons pas toujours des oreilles attentives et des portes ouvertes, et que nous devons même parfois taper un peu du poing sur la table pour défendre nos intérêts.Parlons de la convention nationale. Récemment, les syndicats Unia et Syna ont mené des actions pour une nouvelle convention nationale dans le secteur de la construction, car la convention actuelle arrive à échéance à la fin de l’année. Ils demandent des salaires plus élevés et une réduction des horaires de travail, qui soient plus compatibles avec la vie de famille. Que pense la SSE de ces revendications?Il est clair que la Société et les entrepreneurs adhèrent à la convention nationale, la défendent et entendent la maintenir à l’avenir, sans doute à moyen terme. C’est le message que nous avons transmis aux syndicats. Mais nous n’en sommes qu’au début des négociations, qui devraient se concrétiser au cours du second semestre. L’objectif est très clair: nous voulons continuer à avoir une convention nationale à l’avenir.Les syndicats ne font-ils donc que se positionner pour les négociations en organisant la manifestation annoncée pour le 17 mai?Il me semble en effet qu’il s’agit d’un pur instrument de marketing des syndicats. Au début des négociations, nous présenterons et discuterons des besoins et des attentes des deux parties. Je ne crois pas qu’il soit judicieux de prendre position dès aujourd’hui, voire de faire une déclaration de guerre. Nous allons nous asseoir ensemble et nous verrons ensuite comment les négociations se dérouleront.Et puis il y a eu le 1er mai, la fête du travail, où il y a toujours beaucoup d’agitation, ce qui n’est probablement pas dans l’esprit de la SSE?Cela fait partie du jeu, mais pour moi, c’est de l’histoire ancienne. Nous voulons entretenir le partenariat social et celui-ci n’existe que s’il y a un mouvement syndical. En ce sens, nous avons besoin des syndicats, tout comme les syndicats ont besoin des employeurs. Pour moi, ce qui compte le plus dans le partenariat social, c’est justement l’idée de partenariat. Un partenariat ne fonctionne pas tout seul, il faut l’entretenir. Mais un partenariat présuppose aussi une disposition au dialogue et surtout au compromis.La pénurie de logements est aujourd’hui sur toutes les lèvres, y compris en Engadine depuis longtemps. Selon l’indice de la construction, la SSE prévoit une augmentation générale du chiffre d’affaires de 0,2% pour l’année en cours, mais un recul de 4% dans la construction de logements. Pourriez-vous nous expliquer cela?Oui, mais il convient de faire une distinction. D’une part, la perspective générale, à l’échelle nationale, et d’autre part, la perspective locale des régions touristiques, qui ont une situation de départ totalement différente. Aujourd’hui, nous prévoyons effectivement une légère augmentation des dépenses de construction au niveau national. Cela est dû à une augmentation des investissements dans les infrastructures, comme c’était déjà le cas ces dernières années. D’une manière générale, le bâtiment est en léger recul, mais cette tendance est compensée par une activité plus importante dans les travaux publics et les ouvrages d’infrastructure, où il y a beaucoup de retard à rattraper en matière de rénovation et d’entretien.Pourquoi la construction de bâtiments est-elle en baisse?C’est notamment lié au retournement des taux d’intérêt. Lorsque les taux d’intérêt sont remontés il y a quelques années, l’immobilier a perdu d’un coup de son attrait par rapport à d’autres catégories de placement. Cela s’est rapidement ressenti dans notre secteur, tant au niveau des demandes de permis de construire que des projets de construction eux-mêmes. Aujourd’hui, nous assistons à nouveau à une évolution inverse, avec une nette baisse des taux d’intérêt. Cela devrait nous aider, mais toujours avec un retard d’environ deux ans. Avec la baisse des taux d’intérêt et le maintien d’une forte demande de logements et de bureaux, nous prévoyons une augmentation de l’activité dans le secteur du bâtiment à partir de 2026 et au cours des années suivantes.Mais……cette évolution se heurte à un très gros obstacle: la lenteur des procédures de planification et d’autorisation de construire. Depuis des années, nous sommes confrontés à une augmentation du nombre d’oppositions, et les oppositions à caractère procédurier sont de plus en plus nombreuses. Et même si nombre d’entre elles ont peu de chances d’aboutir, elles retardent, voire même empêchent, les projets de construction. Nous pouvons donc construire moins de logements que ne l’exige la demande réelle. Il en résulte une hausse des loyers et des prix de l’immobilier.La SSE a averti que le taux de logements vacants risquait d’être inférieur à 1% à l’échelle nationale. Selon l’Office fédéral du logement, il faudrait environ 50 000 nouveaux logements rien que pour cette année. Y a-t-il un moyen de sortir de la crise du logement?En réalité, nous construisons à peine 40 000 logements par an dans toute la Suisse, ce qui ne fait qu’attiser la pénurie actuelle. Si, comme le craint la SSE, le taux de vacance passe en dessous de la barre des 1%, nous aurons officiellement une pénurie de logements. Il faudra plusieurs années pour stopper et inverser cette tendance, car l’industrie du bâtiment ne peut réagir que lentement à de telles évolutions. Non pas parce que nous sommes particulièrement lents, mais parce que les procédures préalables de planification et d’autorisation sont longues, notamment le permis de construire, l’appel d’offres et l’attribution des travaux. Tout cela prend du temps.Et en quoi les régions touristiques se distinguent-elles des autres à cet égard?Dans les Grisons, la situation est relativement calme en dehors des centres touristiques comme la Haute-Engadine, Arosa ou Davos et n’est pas aussi tendue que dans les grandes zones urbaines du Plateau. En revanche, les hauts lieux touristiques subissent de plein fouet les conséquences, entre autres, de l’initiative sur les résidences secondaires.Pour le reste de la Suisse, une densification qualitative permet de disposer de beaucoup plus d’espaces d’habitation et de travail sans devoir classer en zone à bâtir de nouveaux espaces verts. Ce n’est pas le cas dans les régions touristiques. À l’époque, lors de la campagne précédant la votation relative à l’initiative sur les résidences secondaires, la SSE avait, avec de nombreux autres acteurs, mis en garde contre d’énormes hausses de prix dans les régions touristiques et les problèmes qui en découleraient. On en connaît le résultat. Mais il est maintenant question que les responsables politiques créent des conditions-cadres qui permettent d’offrir à la population locale suffisamment de logements à des prix abordables.Et comment cela devrait-il se faire concrètement?Nous ne pensons pas que cela doive se faire par des interdictions, mais les politiques devraient recourir à des incitations et à des instruments pour que le marché trouve également un intérêt à construire pour la population locale. Il faut pour cela combiner les avantages et le pouvoir d’achat des touristes avec les besoins de la population. Il me semble très important d’impliquer les investisseurs locaux, même ceux qui ne disposent pas de structures institutionnelles. Cela ne peut pas fonctionner sans eux, car au bout du compte, toute solution doit pouvoir obtenir une majorité politique. Il faudrait mettre en œuvre des solutions qui fonctionnent selon les principes de l’économie de marché, sans ouvrir la porte à la spéculation immobilière. Concrètement, la construction de bâtiments destinés aux vacanciers pourrait être autorisée exclusivement dans une proportion à définir par rapport aux constructions destinées à la population locale.Y aurait-il donc une recette pour limiter les oppositions? Parce que les oppositions ralentissent toujours la construction, qu’il soit question d’une zone verte ou d’une densification des constructions au centre d’un village.Oui, car ce problème se pose à l’échelle nationale, que ce soit dans les zones touristiques ou urbaines. L’ensemble des processus de planification et d’autorisation sont beaucoup trop lents, et sont de plus en plus souvent utilisés de manière abusive, car les oppositions peuvent être portées plusieurs fois devant les tribunaux. Cela fait perdre beaucoup de temps aux investisseurs ; et l’argent va donc ailleurs. C’est pourquoi il est important de prendre des mesures contre une telle instrumentalisation des oppositions. Un autre point important, surtout dans les Grisons, est l’ISOS, c’est-à-dire l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse. Nous assistons aujourd’hui à une prolifération d’objets à protéger. Dans de nombreux villages et villes, près de la moitié des objets sont protégés par l’ISOS, ce qui empêche dans la pratique la mise en œuvre de la densification vers l’intérieur, qui est pourtant l’objectif de la loi sur l’aménagement du territoire depuis un peu plus de dix ans, car l’ISOS fait obstacle.Comment pourrait-on améliorer cette situation?Il faut trouver des moyens de concilier de manière pragmatique la protection des sites et des monuments avec les besoins de la population locale. Car si nous pouvons densifier intelligemment les centres des villages et réutiliser les bâtiments existants, nous préservons automatiquement les espaces verts environnants. De plus, il n’est alors plus nécessaire d’affecter de nouveaux terrains à la construction. C’est donc une situation gagnant-gagnant. Mais il faut être prêt à faire des compromis, à accepter que l’on ne peut pas tout protéger, mais que l’on peut densifier le centre des villages en y apportant une qualité et en permettant une meilleure utilisation des terrains que ce n’est le cas aujourd’hui ou que ce n’était le cas dans le passé.Au niveau mondial, nous avons été confrontés à la pandémie, aux pénuries de matériaux et à l’insécurité énergétique, à la guerre en Ukraine et maintenant aux conflits douaniers et commerciaux. Comment le secteur suisse de la construction peut-il résister à toutes ces difficultés tout en continuant à se développer?Le secteur suisse de la construction est limité par le fait qu’il n’est plus une économie d’exportation depuis des décennies. Nos salaires sont trop élevés pour que nous puissions être compétitifs à l’étranger. C’est pourquoi le secteur de la construction est axé sur l’économie nationale, ce qui nous permet à son tour de profiter des avantages de la place économique suisse. Les bouleversements géopolitiques de ces derniers mois ne devraient guère avoir d’influence à moyen terme sur le secteur suisse de la construction, si ce n’est une influence plutôt positive. Les taux d’intérêt baissent, ce qui est sans aucun doute une bonne chose pour nous à moyen terme. Sur le long terme, il y a un autre impact favorable, car les pays sûrs et stables comme la Suisse profitent considérablement des situations d’incertitude mondiale. La Suisse gagne ainsi encore en attractivité pour les étrangers, surtout les plus fortunés, qui disposent également d’une certaine flexibilité géographique pour s’installer en Suisse. Il est évident que le secteur de la construction en profitera également. Mais en ce qui concerne la politique d’immigration, la SSE place les intérêts de notre pays avant ceux de la branche.Concernant la pénurie de main-d’œuvre qualifiée: il faudrait construire davantage, nous sommes d’accord sur ce point, mais avec qui allez-vous construire?Bien sûr, nous ressentons nous aussi la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, comme de nombreux autres secteurs d’activité. Mais l’année dernière, nous avons pu augmenter le nombre d’apprentis de 10% par rapport aux années précédentes. C’est déjà un signe très positif. En remaniant les formations initiales et continues, nous misons sur une formation adaptée à notre époque. Nous modernisons nos professions, améliorons la formation continue et entendons ainsi renforcer la fidélité à la branche afin de pouvoir répondre au besoin croissant de professionnels bien formés.Et pourtant, il n’y a actuellement plus aucun apprenti maçon à l’école professionnelle de Samedan, ce qui préoccupe naturellement l’association régionale des entrepreneurs grisons…Oui, cela nous inquiète également. Il est possible que cela soit lié au fait que de nombreux apprentis maçons de Haute-Engadine sont originaires d’Italie et de langue maternelle italienne. À ma connaissance, ils sont envoyés par le canton à l’école des arts et métiers de Poschiavo. Mais il se peut aussi qu’ils soient tout simplement trop peu nombreux pour former une classe et que le canton les envoie à Coire. Du point de vue des écoles locales, c’est évidemment très regrettable. Du point de vue des jeunes, cela peut avoir l’avantage d’élargir leur horizon et de leur permettre d’acquérir de nouvelles expériences. Mais je sais bien que les institutions éducatives locales mobilisent beaucoup de ressources et s’investissent énormément pour résoudre ce problème. Cette problématique existe et c’est très regrettable.Certains pensent que le métier de maçon est peu intéressant, physiquement très dur, exposé au vent et aux intempéries, mal payé, trop peu valorisé. Qu’avez-vous à y répondre?Tout d’abord, le métier de maçon est très bien rémunéré et la charge physique diminue constamment grâce à l’automatisation et à la mécanisation. Le secteur principal de la construction verse les salaires ouvriers les plus élevés d’Europe et leur évolution est supérieure à l’inflation, ce qui maintient le pouvoir d’achat. Cependant, le secteur industriel en général lutte contre l’académisation de notre société. Nous essayons de corriger ces préjugés auprès des parents et des familles, car de nombreuses personnes continuent de croire que seul un métier académique est un métier bien payé. Or, nous constatons très souvent à quel point il peut être difficile pour les jeunes diplômés de ne pas trouver un emploi sur le marché du travail malgré leur diplôme universitaire. Dans le système de formation dual avec apprentissage, l’avantage est que les employeurs proposent une place d’apprentissage afin de pouvoir couvrir leurs futurs besoins en personnel qualifié. Une place d’apprentissage n’offre pas la garantie absolue de trouver un emploi, mais elle accroît les chances que l’apprenti·e continue à travailler dans la branche après sa formation. Comme les parents influencent généralement le choix professionnel de leurs enfants, nous tentons de promouvoir la profession de manière forte et ciblée et de leur montrer les avantages des métiers du bâtiment. Celui qui commence un apprentissage de maçon n’est pas obligé de travailler jusqu’à 65 ans comme maçon dans le bâtiment, mais a de nombreuses possibilités de se perfectionner conformément à ses propres possibilités et intérêts, voire de créer sa propre entreprise de construction.De tels exemples existent aussi chez nous, si je pense à votre collègue du comité central de la société, Maurizio Pirola, de Saint-Moritz.Exactement. Pour moi, c’est toujours un grand plaisir, en tant que président de la Société suisse des entrepreneurs, de me rendre sur le terrain et de rencontrer des entrepreneurs qui ont bien réussi et qui ont commencé leur carrière par un apprentissage de maçon. Encore une fois, le charme des métiers manuels et en particulier du secteur de la construction, c’est que l’on crée quelque chose de concret et que l’on voit le soir ce que l’on a fait pendant la journée. De plus, le travail accompli est beaucoup plus valorisé que dans le secteur des services par exemple.Parlons de la réforme de la formation. Votre association faîtière a élaboré le masterplan «Formation professionnelle 2030 de la SSE». Quels sont ses principaux objectifs?Le masterplan vise avant tout à moderniser nos profils professionnels et à axer l’ensemble de la formation initiale et continue sur les besoins futurs des entreprises. En même temps, nous veillons bien sûr scrupuleusement à ce que cette formation soit non sexiste et à ce que les femmes puissent s’intéresser à un métier dans la construction au même titre que les hommes. Au sein de la Société suisse des entrepreneurs, nous sommes convaincus que les femmes ont depuis longtemps leur place dans ce secteur. Et nous mettons tout en œuvre pour leur faciliter l’accès à ces professions. C’est une branche qui, il faut l’avouer, reste trop masculine. Les femmes apportent une plus-value importante et bienvenue au secteur de la construction.Le thème de la numérisation et de l’automatisation a été abordé lors de la dernière manifestation régionale de la Société grisonne des entrepreneurs à Zernez. Quelle est l’approche du secteur suisse de la construction à cet égard?C’est l’une des raisons pour lesquelles je dis qu’aujourd’hui, le secteur de la construction n’est plus un métier réservé aux hommes. Au cours des dernières années et décennies, les métiers de la construction sont devenus beaucoup moins physiques qu’auparavant. On assiste actuellement à une automatisation et à une mécanisation beaucoup plus importantes sur les chantiers. La numérisation prend également de plus en plus d’importance sur les chantiers. Ainsi, les femmes se sentent aujourd’hui plus attirées par les possibilités offertes par la construction qu’auparavant. C’est pourquoi on voit de plus en plus de femmes sur les chantiers, et cela fait plaisir.Comment voyez-vous l’avenir de la construction en Suisse?Je suis très optimiste à ce sujet, car après avoir mangé, les gens ont ensuite besoin d’avoir un toit au-dessus de la tête. Cela signifie que nos projets répondent aux besoins fondamentaux de toute société, ce qui ouvre des perspectives à long terme et est également très important en termes de sécurité de l’emploi. Je ne peux pas vous dire comment nous construirons dans 40 ou 50 ans, mais je peux vous assurer que nous continuerons à construire, que ce soit dans le bâtiment, le génie civil ou quoi que ce soit d’autre. C’est pourquoi le secteur de la construction ne pourra pas connaître le même sort que d’autres industries au cours des dernières décennies et des derniers siècles. La construction va perdurer, tout simplement parce qu’elle répond à un besoin humain fondamental. Mais la construction va également évoluer. Cela signifie que nous devons toujours avoir le regard tourné vers l’avenir, innover, nous améliorer sans cesse, rester curieux et avoir le courage d’essayer de nouvelles choses, de faire des erreurs et même de tomber de temps en temps. L’essentiel, c’est de se relever et d’aller de l’avant.Il y aurait encore mille choses à aborder: par exemple, la construction à haute efficacité énergétique, respectueuse des matériaux et des ressources, etc.Même si de nombreuses personnes n’en sont peut-être pas encore conscientes, le secteur de la construction est déjà extrêmement avancé dans ce domaine. Par rapport aux années 1990, nous consommons aujourd’hui plus de 40% d’énergie en moins par habitant. Nous avons déjà beaucoup progressé, mais nous pouvons certainement aller encore plus loin.Interview: Jon DuschlettaCe texte a d’abord été publié dans l’Engadiner Post/Posta Ladina. Gian-Luca Lardi, âgé de 55 ans, a grandi à Poschiavo et a passé sa maturité gymnasiale (latin) à Disentis. Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur civil à l’EPF de Zurich, il a rejoint Elektrowatt Engineering tout en poursuivant des études de gestion d’entreprise à la Haute école de Saint-Gall. Lardi a travaillé pour le groupe de construction britannique Balfour Beatty à Londres, avant de revenir en Suisse en 2000, où il a participé à la construction du tunnel de base du Lötschberg. Il a ensuite rejoint CSC Impresa Costruzioni à Lugano, où il a occupé différentes fonctions dans le cadre de la construction du tunnel de base du Gothard. Il a dirigé CSC Impresa Costruzioni en tant que CEO pendant plus de dix ans. Lardi vit avec sa famille dans le village tessinois de Rovio, où il s’est également engagé en politique pendant de nombreuses années. Il est vice-président de l’Union patronale suisse et membre du comité directeur de l’Union suisse des arts et métiers. Depuis 2015, il est président central de la Société suisse des entrepreneurs (SSE). Maurizio Pirola, entrepreneur de Saint- Moritz et président de la Société grisonne des entrepreneurs (GBV), y siège également depuis 2024. A propos de l'auteur Schweizerischer Baumeisterverband kommunikation@baumeister.ch Partager l'article
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