L'économie circulaire a besoin de la numérisation

Dans son discours, Moritz Lüscher, responsable de la numérisation de la Société Suisse des Entrepreneurs SSE, a expliqué que la pénurie des matières premières conduisait à un changement de cap dans la construction, ajoutant que la branche réfléchissait de plus en plus de l’utilisation multiple et du recyclage de bâtiments et matériaux ainsi qu’aux méthodes de construction alternatives et l’approvisionnement en énergie. Le parc immobilier suisse se compose de 3,2 milliards de tonnes de matériaux de construction. Le taux de recyclage des matériaux d'excavation est de 75 pour cent, celui des matériaux de démolition de 70 pour cent. Des 40 millions tonnes de béton utilisées chaque année, la part du béton recyclé ne s’élève qu’à 15 pour cent. Il y a donc un potentiel d’amélioration manifeste.

Moritz Lüscher a évoqué l’offensive de la branche sans laquelle la modernisation du parc immobilier resterait lettre morte. Quant aux entreprises, l'expert en numérisation a souligné que la répartition fragmentée des travaux rendait difficile la vue d’ensemble sur le projet et son cycle de vie. «Il faut un changement culturel pour passer de la construction analogique basée sur les étapes de construction à une façon de construire numérique et intégrante», a exigé Moritz Lüscher.

Marloes Fischer, PDG de Madaster, a abondé dans le même sens. «Sans la numérisation, il n'y a pas de construction circulaire. Le BIM joue un rôle clé dans la construction circulaire. La standardisation du BIM serait une première étape importante.»

Elle partage l'avis qu’il faut un changement de cap. On pourrait par exemple réfléchir à une façon de construire moins gourmande en matériaux de construction qui permet tout de même de respecter toutes les normes, par exemple la sécurité sismique. Or, il fallait disposer des données pertinentes, car sans données, pas de confiance. Les données permettraient en outre de favoriser une compréhension commune et de définir des objectifs clairs. Marloes Fischer a souligné qu'il était très important de documenter avec précision les matériaux utilisés et leur composition pour faciliter le recyclage ultérieure.

Pour Reto Largo, directeur NEST de l'Empa, il est également important de réduire le matériel primaire. Dans son opinion, l’absence d’un système cible, par exemple l’évaluation de CO12, pose problème.

On peut recycler le béton ou réutiliser des éléments de construction entiers. Ivo Angehrn, responsable de la durabilité et de la numérisation chez Drees & Sommer Suisse, a évoqué le projet urban mining sur le site Wolf des CFF à Bâle. Les responsables y ont procédé à une analyse du potentiel écologique de la réutilisation des éléments de construction. Il se pose la question de la déconstruction: Les coûts de la déconstruction doivent être inclus dans la facture, ce qui fait augmenter les prix des éléments de construction utilisés. En revanche, cette méthode permet d’économiser les coûts de l’effet de serre, étant donné qu’elle se passe de béton neuf. Or, le niveau des coûts de l’effet de serre n'a pas encore été déterminé. Un autre projet urban mining est la gare CFF à Lenzbourg.

Alberto Cerri, chef de projet économie circulaire chez l'association pour la gestion durable öbu, a expliqué que les profilés en acier étaient normalisés au niveau européen, ce qui facilitait leur recyclage,

citant le projet «Re-use of Steel Sections RUSS» (La réutilisation de profilés d’acier). Un possible processus circulaire pourrait consister en la saisie et l’analyse des matériaux avant de procéder à l’évaluation des possibilités de réutilisation. Selon Alberto Cerri, la déconstruction relève de la responsabilité du propriétaire, auquel on adresse une offre. Étant également en étroite collaboration avec l’industrie sidérurgique, son association a pour but d’acheminer les matériaux non utilisés vers les aciéries dans le respect du tri par matière. Une première table ronde du 1er novembre 2021 auprès de l’Empa a suscité un vif intérêt, et la volonté de mettre sur pied une chaîne d’approvisionnement circulaire commune était très forte. Toutefois, c’était impossible sans stockage temporaire, a estimé Alberto Cerri, soulignant que dans ce domaine, il fallait non seulement le soutien des pouvoirs publics, mais aussi une définition commune des produits en vue de la numérisation. Il a conclu que l’on recensait des efforts à l’échelle européenne d’élaborer des normes pour la réutilisation.