Les syndicats n’ont pas de droit général d’accès aux chantiers

L’actuelle Convention nationale (CN) est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022. Or, force est de constater que les syndicats multiplient déjà les visites de chantier. Vous avez peut-être déjà eu vous-même une visite sur vos chantiers. Différentes questions se posent alors sur la manière de traiter ces visiteurs.

 

Antécédents

À l’occasion des prochaines négociations sur l’avenir de la Convention nationale, les représentants syndicaux multiplient les déplacements afin de discuter avec les travailleurs, leur demander leur avis sur l’avenir de la CN et faire de la publicité en faveur d’une adhésion aux syndicats. Il n’y a rien à redire à cela et les syndicats et les travailleurs sont libres d’échanger entre eux.

Les choses se compliquent toutefois lorsque les visiteurs demandent l’accès à des chantiers pendant les heures de travail et empêchent les employés, même si ce n’est que brièvement, d’assumer leurs tâches. Afin d’appuyer leur prétendu droit d’accès, les visiteurs se prévalent souvent de la liberté syndicale prévue par la Constitution fédérale (art. 28 Cst.).

La liberté syndicale

Le droit à la publicité syndicale ainsi qu’à la distribution de tracts et de journaux syndicaux sur des lieux accessibles au public, comme devant l’entrée du chantier ou sur les parkings, est incontestable. Dans cet espace (quasi) public, les syndicalistes ont la liberté de faire de la publicité pour eux-mêmes et leurs revendications. Cela est garanti par la liberté syndicale prévue à l’art. 28 Cst. Comme tous les droits fondamentaux, la liberté syndicale vise principalement l’État et les interventions et interdictions de l’État. L’État doit rester neutre. C’est d’autant plus vrai quand il n’existe pas de convention entre les partenaires sociaux et que les salariés font usage de leur droit de grève. Cependant, la liberté syndicale n’a qu’une influence limitée et indirecte sur les relations entre les personnes privées. Or, de telles actions affectent régulièrement la garantie de la propriété ainsi que la liberté personnelle des entrepreneurs concernés, voire de tiers.

Le droit de propriété

Dans son arrêt 6B_758/2011 du 24 septembre 2012, le Tribunal fédéral a précisé que le droit d’accès des syndicats à une entreprise ne pouvait être déduit ni de la liberté syndicale, ni de la défense d’autres intérêts légitimes.

Au contraire, le Tribunal fédéral a expressément retenu que le propriétaire d’une entreprise a le droit de sécuriser et de protéger sa propriété (cf. art. 26 Cst., 641 CC). Il est ainsi libre de déterminer à qui il entend donner accès à son entreprise. Un droit d'accès à l'entreprise ne s'interprète donc pas comme étant une composante indispensable de la liberté syndicale.

Sur les chantiers, ce droit revient en premier lieu au propriétaire de la parcelle. C’est lui qui détermine qui peut à accès au chantier. Dès qu’un marché est attribué à un entrepreneur, le chantier est considéré comme « son atelier », également protégé. L’entrepreneur devient alors titulaire des droits d’usage, avec le propriétaire de la parcelle, et il peut également faire valoir les droits de propriété du propriétaire de la parcelle.

Le jugement précise en outre que d’autres moyens, moins incisifs, étaient encore concevables, comme contacter les employés par courrier postal ou électronique ou même de discuter avec eux à l’extérieur du terrain et avant ou après le début du travail.

La paix du travail en particulier

Le bon déroulement de l’exploitation et la paix du travail, qui ne doit pas être perturbée, constituent une autre limite à l’activité syndicale. Des actions d’information de grande envergure sur les terrains d’exploitation et les sites de chantier conduisent dans les faits à des interruptions de l’exploitation et à des blocages du travail. La CN en vigueur, déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral, stipule la paix absolue du travail (cf. art. 7 CN), ce qui exclut toute perturbation du déroulement de l’exploitation (cf. art. 7 CN).

Du point de vue de la paix du travail, les syndicats n’ont donc aucune raison de mener une « campagne d’information » sur les chantiers en perturbant les travaux(pendant le temps de travail) et/ou en compromettant la sécurité au travail.

Que puis-je faire en tant qu’employeur ?

Si des représentants syndicaux se rendent sur vos chantiers, nous vous conseillons de vous renseigner sur la raison de la visite et de rappeler, calmement mais fermement, que les visites doivent se faire en dehors du temps de travail.

Il est utile de convenir avec les représentants syndicaux des règles claires (information pendant les pauses, en dehors du site du chantier, etc.). En effet, quoi qu'il en soit, l’expérience montre que les syndicats ne se laissent pas facilement dissuader d’effectuer les visites et sont susceptibles de causer des dommages inutiles.

En tant que « titulaire des droits d’usage », vous avez le droit d’expulser les syndicats du site ou de les empêcher d’entrer. En cas d’accès non autorisé à un chantier, il faut si besoin faire appel à la police. Les mesures policières de protection de la vie et de l’intégrité corporelle, des biens et de la sécurité publique sont en principe autorisées dans les conditions générales de l’action policière et ne peuvent pas être annulées par une référence générale à la liberté syndicale.

Conclusions erronées des syndicats

Contrairement à ce qu’affirment les syndicats, ceux-ci n’ont en aucun cas un droit général d’accès aux chantiers fondé sur des droits fondamentaux constitutionnels. La situation juridique montre également qu’il n’existe pas de droit d’accès général pour les syndicats et qu’une condamnation pour violation de domicile serait même envisageable dans le cadre d’une grève légale.

Les représentants des travailleurs restent cependant libres de les informer sur leurs droits. Cela peut se faire après le travail ou pendant la pause de midi, par exemple dans un restaurant à proximité, mais pas sur le chantier.

 

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Schweizerischer Baumeisterverband

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