Quand l’impression 3D rencontre l’artisanat – «C’est le futur!»

Tor Alva, la plus haute tour en béton du monde, réalisée en impression 3D, est en cours de réalisation à Mulegns (Grisons). Cette tour a été conçue par l’ETH de Zurich, et les deux entreprises de construction grisonnes Battaglia Bau AG + Zindel & Co. AG ont participé à sa construction. 

 

 

Ce chantier au cœur des montagnes grisonnes a des allures inhabituelles. Dès le premier coup d’œil, il apparaît clairement que l’on a recouru à un tout nouveau procédé de construction. L’ouvrage, dont les premiers étages se dressent déjà, a été baptisé Tor Alva. Il s’agit de la plus haute tour du monde construite selon un procédé d’impression. Pourquoi cette innovation est-elle réalisée à Mulegns, dans les Grisons? Mulegns risque aujourd’hui d’être déserté. Actuellement, 20 personnes vivent encore dans ce village à travers lequel passe la route du col du Julier pour rejoindre la Haute-Engadine. Mais Mulegns doit continuer à vivre, c’est ce que souhaite la fondation Nova Fundaziun Origen. Parmi les activités de cette dernière pour y parvenir, il y a justement la construction de la tour Tor Alva.  

 

Conception assistée par ordinateur 

Tor Alva, la tour blanche, met en évidence les possibilités révolutionnaires de la conception assistée par ordinateur et de la fabrication numérique, qui vont sans doute modifier fondamentalement la construction conventionnelle dans les années à venir. L’utilisation de procédés d’impression 3D robotisés permet d’appliquer le béton de manière ciblée uniquement là où il est nécessaire et réduit ainsi de moitié la consommation. Ce procédé ne nécessite par ailleurs plus de coffrage. Des éléments de construction tels que les piliers sont imprimés à Zurich, à Savognin, auprès de la société Battaglia Bau AG, puis assemblés, transportés en altitude et montés à Mulegns. La tour sera construite de manière à pouvoir être démontée et reconstruite ailleurs. 

Nico Russi, directeur du secteur Bâtiment de Zindel + Co AG et Battaglia Bau AG, et responsable de projet pour les travaux de construction, explique sans hésiter: «Oui, il peut s’agir d’une option supplémentaire pour l’avenir de la construction massive. La préfabrication en atelier réduit la durée des travaux sur le chantier. Cela pourrait rendre la construction moins chère et, avec un gain d’efficacité, nous permettrait de mieux mettre à disposition l’espace habitable nécessaire.» Il précise toutefois: «Ce n’est pas pour aujourd’hui ni demain. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’aux stades de l’expérience et de l’apprentissage. Il s’agit par exemple de savoir quel élément du processus provoque quel effet 

Bien que le montage soit une première pour Nico Russi et son équipe, et que la logistique à Mulegns soit difficile en raison de l’exiguïté du site, la construction de la tour se déroule parfaitement. «Le processus sur le chantier est très efficace. Chaque élément de construction installé et son emplacement sont clairement indiqués, notamment parce qu’il ne doit pas rester suspendu pendant trop longtemps.» Qu’en est-il de la précision, qui est naturellement moins élevée dans la construction massive avec un matériau liquide que dans la construction en bois avec un matériau rigide et la préfabrication CNC? M. Russi explique que certaines tolérances ont déjà été prises en compte lors de la planification. Il n’y a eu aucun problème avec la précision atteinte d’un à deux centimètres (sur une hauteur d’étage de 6,05 m) 

La collaboration avec l’ETH Zurich a bien fonctionné. M. Russi souligne: «L’impression 3D nécessite elle aussi des artisans et des spécialistes qui mettent la main à la pâte sur le chantier.» 

 

 

Fonctionnement de l’impression

Lors de ce procédé de fabrication inédit, un robot applique successivement des couches de béton souple de 5 millimètres d’épaisseur à travers une buse. Le matériau est suffisamment souple pour se lier et former des composants homogènes, tout en durcissant assez rapidement pour supporter les couches suivantes.

Outre sa construction, la tour Tor Alva se distingue par sa forme filigrane avec ses colonnes torsadées et ornées de fioritures. Et ce n’est pas un hasard. La forme de l’édifice évoque une sucrerie dans une confiserie. Au XIXe siècle, de nombreux Grisons devaient gagner leur vie à l’étranger en tant que confiseurs. La plupart d’entre eux ont connu un sort difficile, quelques-uns ont réussi à revenir avec de l’argent, comme à Mulegns. La «Villa blanche», rénovée et même déplacée par la fondation Nova Fundaziun Origen, a été construite par un confiseur. Tor Alva ne met donc pas seulement en évidence des technologies de construction ultramodernes, mais témoigne aussi du fait que les Suissesses et les Suisses devaient jadis chercher leur chance à l’étranger en tant que travailleurs étrangers pauvres.

 

A propos de l'auteur

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Susanna Vanek

Rédactrice

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