Les labels augmentent nettement la disposition à payer pour des matériaux de construction recyclés

La déconstruction ou la démolition d’un bâtiment ou d’une infrastructure génère des gravats et des matériaux de démolition. Pour un nouveau projet de construction, il faut souvent extraire de la terre et du gravier. Tous ces matériaux peuvent être réutilisés et recyclés, au moins en partie, pour alimenter la construction. Ce matériau permet par exemple de renaturer des gravières, d’intégrer des éléments de construction entiers dans de nouveaux bâtiments ou de recycler d’autres matériaux (c’est-à-dire de les broyer et d’y ajouter du béton sous forme de granulats).

Le taux de recyclage, c’est-à-dire le rapport entre les matériaux réutilisés et les matériaux primaires, est d’environ 80 % en Suisse. Une comparaison avec les pays voisins montre que la Suisse se trouve certes à un niveau avancé, mais que d’autres états, comme l’Italie ou les Pays-Bas, atteignent des taux nettement plus élevés (presque 100 %).

Un coup d’œil à l’étranger révèle également que le recyclage exige un effort de tous les instants, car en Finlande, par exemple, le taux de recyclage est passé en quatre ans de près de 90 % à 63 %. La disponibilité des capacités, les incitations par les prix et les grands projets individuels influencent le recyclage et la réutilisation des matériaux.

Toute rénovation, déconstruction ou démolition génère des gravats. Aujourd’hui, les déchets de construction recyclés fournissent environ 16 % des matériaux nécessaires pour les nouvelles constructions et les transformations. La répartition par âge des immeubles d’habitation en Suisse indique qu’il y aura nettement plus de rénovations, de démolitions et de déconstructions à partir de 2035. D’ici 2055, la quantité de matériaux recyclés doublera. De plus, la démolition de bâtiments industriels fournit des matériaux supplémentaires, jusqu’à 40 % par rapport aux immeubles d’habitation.

Dix à vingt ans après l’achèvement d’un bâtiment, il faut procéder aux premières rénovations mineures. Puis, après une cinquantaine d’années, des travaux plus importants doivent être réalisés, tels que le remplacement des toitures et des façades. La durée de vie d’un bâtiment en matériaux massifs (acier, béton, briques) est estimée entre 70 et 100 ans.

Les bâtiments de plus de 40 ans sont généralement considérés comme nécessitant une rénovation sur le plan énergétique. Plus la proportion d’immeubles d’habitation âgés d’au moins 50 ans est importante dans un canton, plus le parc immobilier produira prochainement des déchets pouvant être recyclés. À condition qu’aucune prescription (p. ex. protection des monuments historiques) ne s’oppose à la rénovation ou à la démolition. Glaris, Appenzell AR et Neuchâtel ont donc le potentiel le plus élevé pour intégrer davantage de matériaux recyclés dans leur cycle de construction.

Il existe différents obstacles et facteurs qui entravent ou favorisent l’utilisation du béton recyclé. Le manque d’expérience chez soi ou chez le partenaire de construction, une disponibilité locale limitée, l’absence d’incitations étatiques, le manque de promotion et l’incertitude quant aux normes et réglementations en vigueur concernant l’utilisation des matériaux recyclés sont les principaux obstacles selon une récente enquête menée en Allemagne.

À l’inverse, la volonté de polluer le moins possible l’environnement et de construire de manière durable, de même que la promotion de l’image, sont des moteurs importants. Un label qui confirme l’équivalence en matière de qualité du béton recyclé et la perspective d’obtenir un label de développement durable pour un bâtiment utilisant des matériaux recyclés sont d’autres incitations importantes.

Le prix est un obstacle à l’utilisation de matériaux recyclés, car ces derniers sont entre 10 et 100 % plus chers que les matériaux de construction neufs. En Allemagne, une enquête scientifique a été menée en 2023 sur la disposition à payer pour les matériaux recyclés. À l’époque, un mètre cube de béton neuf coûtait 150 euros. En moyenne, les personnes interrogées étaient prêtes à payer un supplément de 0.26 euro par point de pourcentage de matériau recyclé.

Une part de recyclage de 50 % aurait donc coûté 163 euros, soit une hausse de +8,7 %. Les particuliers qui voulaient construire une maison individuelle étaient les moins disposés à payer (0.21 euro) alors que, les promoteurs immobiliers (0.27 euro) et les organisations/entreprises (0.30 euro) étaient déjà nettement plus favorables à ce supplément de prix. Si le béton était labellisé, la disposition à payer augmentait de 10 à 13 % par rapport au béton sans label, selon le groupe interrogé. Le béton recyclé devrait porter un label correspondant afin d’accroître la propension à payer des clients.

Ces constatations pourraient également s’appliquer à la Suisse. Les petits maîtres d’ouvrage doivent déjà dépenser beaucoup de capitaux en raison des prix élevés des terrains, et la propension à assumer des coûts supplémentaires pour les matériaux recyclés devrait donc être limitée d’emblée. Les promoteurs immobiliers pourraient miser sur des matériaux recyclés pour que leurs bâtiments répondent aux normes énergétiques ou environnementales. Les entreprises et autres organisations peuvent recourir aux matériaux recyclés pour donner plus de crédibilité à leur image et à leurs produits. Cela permet aux maîtres d’ouvrage de répondre à la forte demande des locataires en matière de bâtiments respectueux de l’environnement.