La multiplication des oppositions entraîne une hausse des loyers

Une enquête de la SSE auprès de différentes villes et cantons montre que les oppositions et les recours contre des projets de construction ont augmenté en de nombreux endroits au cours des dernières années. Les oppositions sont gratuites et entraînent souvent plusieurs années de retard dans les projets de construction, ce qui peut être instrumentalisé pour servir des intérêts particuliers (p. ex. préserver la jolie vue sur le lac depuis son appartement, laquelle serait altérée par le nouveau bâtiment). Dans la ville de Zoug, des oppositions ont été déposées contre 40 % des demandes de permis de construire, un nouveau record. En 2022, le tribunal des recours en matière de construction du canton de Zurich a enregistré pour la première fois plus de 1 000 recours. La vague d’oppositions de ces dernières années impacte négativement le délai d’obtention d’un permis de construire, et donc la construction de logements.

Dans tous les cantons, il faut aujourd’hui plus de temps qu’il y a dix ans pour obtenir un permis de construire, et ce, malgré le développement de la numérisation. Plus de normes de construction ont été développées, ce qui réglemente davantage la construction et rend l’examen des demandes de permis de construire plus complexe. Certains services des constructions doivent faire face à une fluctuation de personnel plus importante et, par endroits, les demandes de permis de construire sont plus nombreuses que par le passé. Mais l’augmentation à large échelle des délais d’obtention des permis de construire – au moins 50 % dans la plupart des cantons, voire le double dans plusieurs d’entre eux – est en grande partie due à la multiplication des oppositions. Désormais, il faut compter en moyenne nationale cinq mois pour obtenir un permis, contre deux à trois mois seulement il y a dix ans.

Quelque 50 000 logements devraient être construits chaque année pour absorber la demande supplémentaire résultant de la croissance démographique et de la formation de nouveaux ménages. En 2018, 53 000 logements ont été réalisés, mais depuis, le nombre nécessaire n’a plus été atteint. Le recul des demandes de permis de construire ne laisse prévoir aucun changement de tendance pour 2023 et 2024. Pour la première fois depuis 13 ans, les dépenses corrigées de l’inflation pour la construction de logements sont repassées sous la barre des 3 000 francs par habitant. Les nombreuses oppositions de ces dernières années entraînent un allongement du délai d’obtention d’un permis de construire et accroissent l’incertitude quant à l’issue positive d’une demande de permis. Par conséquent, les maîtres d’ouvrage privés et institutionnels sont moins enclins à construire de nouveaux logements.

Les oppositions contribuent dans une large mesure à ce que trop peu de logements soient construits par rapport aux besoins. En conséquence, les taux de vacance baissent depuis plusieurs années. Au niveau suisse, le taux de vacance n’est plus que de 1,15 %. Si le taux de vacance est trop bas, les bailleurs peuvent exiger des loyers plus élevés. Si le taux de vacance est trop élevé, ils doivent baisser les loyers. Statistiquement parlant, il existe donc un certain taux de vacance qui entraîne une stagnation des loyers. Ce taux varie d’un canton à l’autre. Mais dans 21 cantons sur 26, le taux de vacance actuel se situe en dessous de ce niveau « neutre au regard des loyers », ce qui devrait entraîner une hausse des loyers. Selon les estimations, un taux de vacance inférieur de 1 % au niveau neutre entraîne une hausse des loyers de 0,6 %.